L’histoire d’un homme ou une destinée inachevée
L’histoire retient au fil des siècles les noms de certains grands hommes, des noms figurant parmi les élites de la Nation. Des hommes qui, au cours de leur existence, auront un parcours tumultueux pour revendiquer leurs idéaux. Dans les luttes éternelles pour la démocratie et pour que vive l’Algérie libre et indépendante, de nombreux héros se sont sacrifiés pour la patrie. Slimane AMIRAT fait partie de ces hommes dont le destin demeure exceptionnel et que la mort a fauché trop tôt. C’est en1955 que le jeune Slimane AMIRAT entre dans les rangs de l’ALN. Abderrahmane Mira, l’ayant très vite remarqué pour son dynamisme et ses qualités d’homme de terrain, le sollicitera pour sensibiliser l’immigration algérienne établie en France. Dès le mois de mars 1955, Slimane sera l’homme choisi par le FLN pour mettre sur pied et diriger les groupes de choc de la région Parisienne pour lutter contre les Messalistes du MNA. Il accomplira sa mission avec brio jusqu’en 1958 où il sera arrêté et emprisonné à Constantine, puis à El Djorf (M’sila).
Durant sa détention, il organisera les prisonniers et fera de telle sorte à continuer la lutte en fournissant à l’ALN, argent et médicaments. C’est ainsi, que plus de quatre cent mille francs par mois et des médicaments sortiront du camp de détention, au profit de l’Armée Algérienne.
Libéré, il rejoint la France muni de faux papiers et reprend la direction du groupe armé de la région Parisienne. En 1961, un homme des troupes est capturé, il parlera sous la torture et dénoncera Slimane AMIRAT, qui sera aussitôt arrêté. Il connaîtra à son tour, la torture des geôles françaises. Au cessez-le-feu, il sera libéré et aura la vie sauve grâce à une manifestation organisée à Paris par les étudiants algériens et français. Il sera ensuite responsable des groupes armés à El-Biar et Bouzaréah. Il fera face à l’OAS, et ce jusqu’au conflit des wilayas. Après la prise de pouvoir par le groupe d’Oujda et Ben Bella, il fera un passage dans les forces de police à Tlemcen puis à Alger. Néanmoins, il sera de ceux, notamment avec Krim Belkacem, Mohand Oulhadj, Mohamed Boudiaf et d’autres, qui tenteront de créer l’UDRS.
Slimane se retrouve ensuite au FFS et sera condamné à mort par contumace dans le procès avec Aït Ahmed et Chaâbani. Il connaîtra alors l’exil jusqu’en juin 1965. Après le coup d’état militaire, entre Slimane AMIRAT et le nouveau régime, le courant ne passera plus. Il refusera les propositions qui lui seront faites. Hocine Aït Ahmed est toujours en prison et n’apprécie pas que le Conseil de la Révolution renferme autant de militaires.
Slimane AMIRAT dirigera alors une agence d’assurance jusqu’en 1967. Pendant cette période, avec Krim Belkacem et d’autres militants de la cause nationale, il participe à la création d’un nouveau mouvement d’opposition, le MDRA, mouvement qui verra le jour le 18 octobre 1967. La réaction brutale et énergique du pouvoir ne se fera pas attendre. Slimane sera arrêté le 02 juillet 1968, il sera tenu au secret pendant plus de neuf mois ou il sera jugé puis condamné à la peine capitale par la cour révolutionnaire d’Oran.
Pendant quatre ans et demi, il restera enfermé au quatrième sous-sol de la prison militaire d’Oran, la tristement célèbre “Santa Cruz”. Ses amis et proches lui demanderont de formuler sa demande de grâce à Boumediene, ce qu’il refusa tout en réclamant ses droits de prisonnier politique ou l’application de sa peine. C’est-à-dire, son exécution. Il fera successivement plusieurs grèves de la faim (17 jours, puis 25 jours). Il sera transporté dans un état comateux à l’hôpital universitaire d’Oran. De la prison d’Oran, il sera ensuite transféré à la prison de Berrouaghia où il restera en détention pendant deux années et sera de nouveau transféré à El Harrach, un autre pénitencier qu’il quittera au bout de six mois. Libéré le 23 juin 1975, soit une semaine après le décès de son père, Slimane sera étroitement surveillé durant toute cette période de détention, et même après sa sortie de prison. Il mènera alors, lui-même, le combat pour la libération de ses propres amis demeurés en prison. Il obtiendra leurs libérations et la réhabilitation de tous les membres. Le combat pour les idées qui étaient les siennes continuera alors sous une forme semi-clandestine jusqu’en 1989, année pendant laquelle sont apparus le multipartisme et le pluralisme politique.
Le MDRA est alors officiellement agréé le 19 janvier 1990. Cette dernière étape de la vie politique et publique de Slimane AMIRAT permettra à tout le peuple algérien de saisir véritablement la dimension de celui qui fut un jour accusé et traité d’agent du sionisme international et de contre-révolutionnaire, et ce malgré les difficultés et les oppositions cachées menées contre lui, afin de le marginaliser.
Slimane AMIRAT ne ménagera aucun effort pour œuvrer dans l’intérêt exclusif de l’Algérie. Acteur politique important et modérateur sur la scène nationale, c’était un homme qui, par ses valeurs morales et ses principes avait su se faire une place de choix dans le cœur et dans l’esprit de chaque algérien, de toute condition et de tous les âges. Il sera l’homme vers qui l’on se tourne pour demander de l’aide. Une aide qu’il ne refusera jamais. L’homme qui mettra au service de son pays, cette expérience de la vie par l’expression de sa volonté au service d’un idéal partagé par les meilleurs fils de l’Algérie. Un idéal tourné vers la construction de cette Algérie dont il a rêvé, durant toute sa vie.
Des rêves qu’il emporta avec lui. Tout le monde garde aujourd’hui, cette image d’un homme intègre, un véritable militant, sincère, exclusivement tourné vers son principal objectif, l’intérêt de l’Algérie. Tout le monde gardera de lui cette fameuse phrase, restée gravée à jamais dans la mémoire de tous les Algériennes et Algériens, illustrant le grand Amour qu’il avait pour son pays et qui lui donnera cette dimension du Grand homme qu’il était : «A choisir entre l’Algérie et la démocratie, je choisirais l’Algérie.».
Un illustre patriote qui a subitement trouvé la mort, rappelons-le, au moment où il venait lui-même, se recueillir devant le cercueil du Président Mohamed Boudiaf, son compagnon de toujours. Aujourd’hui, vingt années après sa disparition, le nom de Slimane AMIRAT est toujours évoqué avec respect par tout le peuple algérien, qui garde de lui l’image d’un homme aux vertus exceptionnelles. Sa stature, sa droiture, son honnêteté et sa ferveur dans la défense de ses idées pour placer “l’Algérie au-dessus de tout et avant tout”. Il manque toujours autant aux Algériens.
Hafidh Bessaoudi